Dans ce roman glaçant de Patricia Highsmith, les classes moyennes et aisées américaines ont trouvé le couteau qui remue la plaie de leur vanité et la recouvre d’une couche de cendres…
Edith tient un journal. Le journal intime de sa vie. Durant 20 ans, elle s’y confie. Edith a une vie simple de femme américaine en ces années 50 où tout n’est que american way of life. Edith a un mari, un fils, une maison. Edith est heureuse. Edith écrit dans son journal le tendre quotidien de sa vie de femme. Edith est seule toute la journée, avec un vieil oncle râleur et étouffant imposé par son mari. Mari qui part finalement avec plus jeune qu’elle, emportant sa propre névrose, mais laissant l’oncle râleur dont il faut s’occuper. Et leur fils est immonde, menaçant. Mais Edith est heureuse, son journal le dit. Edith tient face au chaos parce que dans son journal intime, tout continue d’aller bien, vie imaginaire qui répond à l’insupportable. Et si son journal dit que sa vie va, qui viendra lui dire le contraire ?
Edith vit à New-York et tient un journal. Ce sont les années 50, le modern life américain et à vingt-cinq ans, Edith est mariée et croit en la beauté de son avenir. Elle a l’ambition d’être une femme indépendante, libre, qui réfléchit. Une femme bien. Mais à cinquante ans, Edith vit en banlieue et n’est rien de tout cela. Son couple a chaviré, son mari est parti, son fils est un poids et sa vie un échec. Mais le journal est là pour tenir bon. Il est là comme double mental, univers parallèle où Edith vit. Il est le mensonge auquel elle se raccroche, le masque invisible et indispensable qui structure sa vie. Cependant, une vie réelle recouverte d’une vie inventée devient-elle une vie pleinement vécue ?
Patricia Highsmith n’aime rien de moins qu’écorcher la classe moyenne américaine, qu’elle ausculte au scalpel de son écriture sans rien lui laisser passer. Elle ne vous parlera pas de meurtres, de sang, de crimes abominables. Elle va là où l’humanité se dérobe, dans ces petits mensonges du quotidien, ces aménagements avec soi et c’est bien toute sa force que de savoir nous interroger sans jamais commettre de monstruosité. En relevant le défi de caractériser, autour d’Edith, tous les autres personnages de ce texte avec trois des comédiennes, Mathieu Bertholet relève aussi celui de transposer cette langue aujourd’hui.
Le journal d’Edith n’est pas, selon lui, un lieu de confessions ou de plaintes, il est cette autre moi inventée qui maintient en vie et c’est dans ces jeux entre une femme et une autre que toute la mise en scène peut trouver son rythme. Une splendeur implacable aux effets plus terribles qu’un thriller.
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Texte Patricia Highsmith
Traduction, adaptation et mise en scène Mathieu Bertholet
Jeu Angèle Colas, Jeanne De Mont, Fred Jacot-Guillarmod, Zacharie Jourdain
Assistanat mise en scène à la création Léonard Bertholet
Scénographie Anna Popek
Son Fred Jarabo
Lumière Jonas Bühler
Costumes Paola Mulone
Maquillage & coiffure Katrine Zingg